La question
Depuis toujours l’être humain s’est posé trois questions fondamentales : “Qui suis-je ?”, “Où vais-je ?” et “D’où venons-nous ?”. Réussir à se comprendre, à s’accepter et à donner le meilleur de soi... Connaître l’avenir et maîtriser sa destinée... Découvrir ses origines et saisir ce que nous sommes... En arrivant sur terre, l’homme est littéralement propulsé sur un vaste plateau de jeu dont il ne connaît pas les règles. Une seule certitude : la fin est inéluctable...
La réponse du psy
Mais entre la naissance et la mort, c’est la vie, l’existence et ses épreuves difficiles à prévoir et impossibles à contrôler. Afin de juguler ce malaise il a fallu édicter des lois et ériger des barrières sous forme de vérités. Leur objectif n’était pas forcément de trouver des réponses, c’était avant tout d’éviter les questions. Explications sobres et dichotomiques, où se côtoyaient le bien et le mal et visions pragmatiques qui promettaient le paradis ou son équivalent à tous ceux qui se seraient conformés aux normes du groupe en laissant à une instance supérieure le droit - et le devoir - de juger... Mais la société évolue et, aujourd’hui, la misère affective, le désarroi individuel, l’absence de communication et le manque de cohésion des groupes auxquels nous cherchons à nous identifier renforce cette impression désagréable d’être soumis au bon-vouloir des forces irrationnelles du hasard. Cette angoisse serait difficile à gérer si nous n’étions pas capables de nous bercer dans l’illusion que tout est néanmoins écrit, prévisible, logique et, par conséquent, contrôlable...(par certains du moins). Mages, devins et autres maîtres de la kabbale se multiplient et, à coup de tarots, d’états hypnotiques, de méditation transcendantale, de spiritisme et de techniques aussi vieilles que l’humanité elle-même lèvent un petit bout de ce voile opaque qui nous effraie tant : l’impalpable prend une forme, l’innommable porte un nom, l’invisible se révèle et nous décharge du fardeau de l’obscurité qui alourdit chacun de nos pas sur la route du destin. Nous sommes alors d’accord d’abandonner aux mains d’instances qui nous sont supérieures la première qualité de l’homme intelligent, celle d’être libre de décider en fonction de notre instinct, de notre expérience, de notre intuition et de notre imagination. Nous devenons les proies crédules de charlatans qui font de nous les jouets de leurs tours de passe-passe. Malédictions, prévisions sombres, manifestations de l’au-delà, colères divines, tous les clichés du surnaturel trouvent leur lot d’âmes sensibles, prêtes à croire sur parole que nous évoluons nécessairement dans plusieurs dimensions qui, bien entendu, dépassent notre entendement... Les planètes gouvernent notre vie, les astres président notre avenir et les gourous s’approprient notre identité. Qu’importe le contenu, l’emballage est tellement séduisant : il donne enfin un sens à notre triste vie et répond aux questions qui nous empêchent d’exister. Oui, notre présence sur terre est explicable, oui, nous avons une mission bien précise, oui, nous savons d’où nous venons et où nous allons. Cependant cette révélation se paie cher : le prix de notre autonomie. Si tout est prédéterminé, si je sais pertinemment quelles étapes me feront passer de la case de départ à la case d’arrivée, je n’ai plus le choix. Quoi que je fasse, quoi que je dise, je reste sur un rail qui empêche tout écart significatif. Qu’on soit perdant ou gagnant, qu’importe, puisque nous avançons tous sur une espèce de jeu de l’oie dont nous ne maîtrisons pas les règles. Le bon-sens et le raisonnement font place au déterminisme et au cartésianisme se substitue la loi du surnaturel. Alors que tout nous montre que c’est précisément notre façon d’interagir avec notre environnement qui détermine des relations de cause à effet, il est important de se rendre compte que rien ne peut et ne doit nous amener à une sorte d’aliénation de ce que nous sommes : des individus forcément différents les uns des autres et qui, à travers un constant va-et-vient entre l’expérience et ses résultats, nous permet de construire une existence, faite d’émotions et de liberté. Avoir la possibilité de choisir sa route est un outil essentiel dans notre développement personnel. Quelle que soit la réponse aux questions que nous nous posons, nous ne devons pas perdre de vue que la vérité n’est pas immuable et que chacun peut trouver la sienne sans nécessairement sortir de la norme. Croire aveuglément en un déterminisme absolu, c’est s’enlever le droit de changer et, partant, d’évoluer. Or, l’être humain, dans sa quête du pourquoi et du comment n’a-t-il pas justement un besoin vital de réajuster constamment sa pensée et ses opinions ? Voilà bien une question à laquelle aucune pythie des temps modernes ne sera capable de répondre !