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Empreintes sur papier-glacé

La question

Depuis quelques mois on ne parle plus que de ces mannequins grassement rétribués pour passer leur temps et leur vie sous l’oeil avide des paparazzi... Comment expliquer cet engouement ?

 

La réponse du psy

Cet engouement ne date pas d’aujourd’hui. Depuis la multiplication des journaux richement illustrés de photographies, vers la fin des années cinquante (grâce aux progrès considérables des techniques de reproduction et d’impression), la starification à outrance de certaines personnes du show-business a porté aux nues une quantité phénoménale de “célébrités” que les années ont ensuite précipité dans l’obscurité des tiroirs d’archives. Je pense cependant que le phénomène, actuellement, marque également une caractéristique de notre société : les contacts sont plus difficiles, l’insécurité nous guette, les budgets ne permettent plus autant de sorties et l’action directe fait place au rêve. Nous nous projetons volontiers dans cet univers où l’argent coule à flots dans un pays de Cocagne qui laisse entrevoir un peu de ce paradis que masque la grisaille de notre quotidien. Les photos toutes en couleurs de Claudia Schiffer, Naomi Campbell et autres Cindy Crawford nous ouvrent une petite lucarne sur ce monde de paillettes auquel nous accédons pour quelques francs. Les idylles de ces starlettes alimentent nos maigres conversations et c’est avec un brin d’espoir dissimulé sous un air apparemment détaché que l’on prie la chance de nous sourir un jour en nous permettant de participer aux festins de ces jardins d’Eden... Plus la réalité est dure, plus nous éprouvons le besoin de nous évader et rares sont ceux dont la pensée ne prend jamais son envol sur ce petit tremplin aux couleurs de nostalgie : “Ah, si j’étais riche...” A une époque où les téléphones roses ont envahi le parvis des sentimentaux, où le romantisme a cédé sa place aux contacts aseptisés via télématique, où la réalité perd le monopole du tangible face aux images virtuelles, où la poésie s’est convertie au binaire, le glamour remplace avantageusement l’amour, au même titre qu’une plante synthétique évince une fleur naturelle : pas besoin de soins ou d’attention, c’est artificiel donc éternel... Les mannequins ont de beaux jours devant eux et qu’importe si demain on les aura oubliés puisque leur vie et leur destin ne sont que des empreintes sur du papier-glacé...