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Pressions professionnelles

La question

Condamné au succès dans l’entreprise où il travaille, mon ami est un véritable “drogué du travail”. Je voudrais qu’il déconnecte de temps à autre mais cela paraît impossible. Qu’en pensez-vous?

Le proverbe du sage Nô-Mi

A quoi te sert de cultiver un parterre de roses, si tu ne prends jamais le temps d’en admirer la beauté?

 

La réponse du psy

Pour de très nombreuses personnes, il est quasiment impossible de laisser tomber le rideau sur la scène de leur travail, que ce soit en fin de journée, à la veille du week-end ou même pendant les vacances: enchaînées à leurs mandats, elles vivent, dorment et rêvent au seul rythme des échéances, des contraintes et des contrats liés à leur profession et leur quotidien se conjugue sur la sempiternelle rengaine “boulot-dodo”. “Ma vie est mon travail et mon travail est ma vie” pourrait être leur devise et ce n’est qu’au prix de grands efforts personnels, qu’elles parviennent, quelques rares fois, à respirer librement l’air du repos et du détachement. Mais autant on peut avoir l’impression que c’est un besoin fondamental chez ce type de stakhanoviste de l’heure supplémentaire et qu’il en tire par conséquent un bonheur sans équivoque, autant la réalité démontre que c’est à force de se sentir dans l’obligation de briller, d’être “le premier” qu’un cercle particulièrement vicieux est né dans son esprit de fonceur: le travail tourne à l’obsession, et, à l’instar d’un maître diaboliquement exigeant, il ne tolère aucun faux-pas, aucune incartade. Briser ce lien symbolique nécessite un véritable apprentissage qui se fera pas-à-pas et conduira cet abonné au strict maximum à un raisonnable minimum. C’est qu’il en faut de la volonté et de la patience pour effacer cette habitude et cette attitude consistant à se sacrifier 24 heures / 24 sur l’autel de son travail.
Lâcher prise et constater néanmoins que l’on ne tombe pas pour autant dans un abîme sans fond est une tâche qui réclame un investissement total et une remise en cause personnelle qu’un observateur extérieur aura nécessairement de la peine à évaluer. Je comparerais volontiers cet effort au combat que livrent des fumeurs invétérés contre leur cigarette, leur cigare ou leur pipe: ce n’est pas un seul comportement qui doit changer, c’est tout l’état d’esprit. Au départ, il faut donc impérativement un soutien externe (amis, famille, parenté) qui comprenne que ce n’est pas avec des “Y’a qu’à” qu’on contribuera à résoudre le problème. Ensuite, il s’agit de se fixer un objectif, une motivation: qu’est-ce qui va nous décider à changer nos valeurs, à modifier notre routine? Enfin, il y a la discipline, celle qui joue le rôle de garde-fou dont l’intégrité absolue ne laisse place à aucun écart, à aucun débordement. Parvenir à se relâcher est au moins aussi difficile que savoir se prendre en main: dans les deux cas, on change de route, on explore l’inconnu. On ne s’improvise pas “épicurien”, on l’exerce, au même titre qu’on fait du tennis ou qu’on s’adonne à la musique, par la force des choses (à la suite d’un pépin de santé, par exemple), ou parce que l’on réalise soudain que la vie c’est quand même autre chose qu’un agenda bien rempli.