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Le bonheur à portée de main

La question

J’ai bien peur de rater ma vie... Lorsque je compare ce que je fais avec mes idéaux, je prends peur: comment être heureux quand on est à cent lieues de ce qu’on voudrait? Faudrait-il tout plaquer pour être enfin en accord avec soi-même?

Le proverbe du sage Nô-Mi

C’est bien parce que tu ne peux pas enfermer le soleil dans une cage que tu es si heureux de le voir réapparaître chaque jour...

 

La réponse du psy

Le bonheur... Imaginez qu’un druide, disciple attentif de Panoramix, ait inventé une potion magique à même de transformer toute vie en un fleuve de jouissance et que vous en redécouvriez aujourd’hui même la recette, gravée sur un vieux chaudron vendu cent sous au marché aux puces. Vous en prendriez une petite goutte et, hop!, votre miroir refléterait une personne épanouie, en accord avec ses désirs les plus secrets. Un tapis rouge se déroulerait sous vos pas les plus audacieux et rien, plus rien, ne vous résisterait. Votre grisaille quotidienne prendrait les allures d’un parterre de fleurs multicolores et toutes vos activités s’apparenteraient à un conte de fées. Plus de soucis, finies les tracasseries, terminées les envies inassouvies... De la joie à revendre, et un épanouissement total, extrême. Les années passeraient en coup de vent. Et, un jour, la mort frapperait à votre porte. Avant de partir, vous feriez un bref bilan de tout ce que vous avez vécu et vous devriez répondre à une question, essentielle: tout cela valait-il la peine? Bien sûr, répondriez-vous sans hésiter. Mais un doute surviendrait immanquablement: quelle valeur peut-on accorder aux choses qui nous ont été données sans effort, sans attente, sans espoir et sans objectif? Et vous vous rendriez compte qu’en ayant absolument tout, vous avez passé à côté de l’essentiel, le contraste qui donne à toute chose sa forme et son relief...

Presque tout le monde passe du temps à se projeter dans des “avenirs” imaginaires: si j’étais riche, si j’avais ci et ça, si je gagnais à la loterie. Et il est bien souvent difficile d’admettre que la vie n’a rien d’un feu d’artifice permanent et que c’est à nous d’y mettre des touches discrètes de couleurs. Les personnes qui possèdent tout, le pouvoir, la richesse, la gloire et tout ce que l’on peut inventer de beau et de bien ne supportent pas cet excès et finissent par en faire une indigestion, au même titre que si nous apprécions un plat délicieusement parfumé aux morilles, nos papilles gustatives et notre estomac se révolteraient à coup sûr s’il fallait en avaler deux kilos d’un seul coup... On a souvent l’impression que l’on a “raté” sa vocation, tout comme les fruits de l’arbre du voisin nous paraissent plus gros, plus mûrs et plus sucrés. En réalité, c’est ce que nous n’avons pas qui nous fait saliver. Un médecin rêvera de faire une carrière d’acteur. Et l’acteur regrettera d’avoir abandonné ses études de médecine. Le décalage est constant. Tel couple se divorce avec fracas car l’un des deux partenaires a trouvé son “âme soeur”. Cris, pleurs et grincements de dents. Mais alors que la relation extra-conjugale avait la saveur et le piment de la différence, la routine a tôt fait d’effacer ce relief si charmant et d’ouvrir les yeux aux tourtereaux: derrière l’idéal, on trouve le banal. Fatalement le carrosse se transforme en citrouille: les rêves sont comme les reflets de la lune dans l’eau. On peut les regarder tant qu’on veut mais essayez de vous les approprier et c’est la noyade.

On pourrait croire ce discours pessimiste. Bien au contraire: le bonheur est bien moins loin qu’il n’y paraît. Il est même à portée de main: au lieu de chercher constamment “ailleurs” apprenons à apprécier ce que nous avons et vivons. Celui ou celle qui sait capter les bons moments de tous les jours et qui comprend que c’est à petites doses qu’on les ressent le plus intensément a tout pour faire de la routine en apparence grise et terne un arrangement pétillant et gai. Dans tous les cas, cette idée que l’on est sur une fausse piste est un leurre, un mirage: changez de pré, vous aurez quand même l’impression que l’herbe est plus verte ailleurs. Parce que ce qui nous fait avancer c’est précisément cette perpétuelle insatisfaction qui nous pousse à contourner les obstacles, à franchir les montagnes. Comparez le plaisir de touristes qui ont gravi à la force de leurs mollets un pic enneigé avec celui de plaisanciers qui s’y sont fait héliporter et vous saisirez que c’est ce que nous avons dû conquérir qui possède une vraie valeur et qui procure un vrai bonheur...